Histoire d'une (fin de) vie

 J'habite dans une petite ville au bord de la Loire. Pour faire mes courses, je dois franchir un pont pour rejoindre le centre commercial situé à quelques kilomètres. Oui, il y a bien un supermarché où je peux y aller à pied, j'y ai même bossé un temps, à la station essence, mais il est malheureusement assez cher. Alors vous comprenez, je vais chez un concurrent, un peu plus loin, et moins cher à panier équivalent. 

Bref, en ce début novembre, le président a annoncé un nouveau reconfinement moins strict que le premier  mais vous devez vous munir d'une attestation pour vous déplacer même pour vos courses. 

Et en cet après midi ensoleillé de début novembre, ça ne rate pas : sitôt le fleuve royal franchi, deux gendarmettes me font signe d'aller sur le parking pour une vérification. Tout était en règle, sauf... le contrôle technique de ma Super 5. Je me suis dit que j'allais me prendre une prune pour ça, ça n'allait pas louper, mais tant pis, je n'aurais pas contesté. Mais la dame est sympa et me dit  "je ne vous mets pas d'amende... à condition que vous fassiez le contrôle dans un délai d'une semaine". 

Sa majesté est bien bonne, pensais-je en me sentant un peu soulagé. Je ne savais pas encore que cet aller-retour  allait être un des derniers trajets de ma voiture. Elle aura servi 33 ans, dont plus de 8 à mes côtés. 

Le lendemain matin, je me rends avec la voiture au contrôle technique de ma ville. L'homme qui s'occupe de ça me dit qu'il peut la pendre tout de suite. Moi, je suis pris de court. J'accepte malgré tout en m'excusant de n'avoir pu la nettoyer des quelques trucs qui l'encombrent. 

Mais j'ai déjà une idée du verdict et c'était la raison pour laquelle je repoussais sans cesse : la corrosion excessive du bas de caisse. Mais il faut avouer que la crémaillère de direction HS là, je ne m'y attendais vraiment pas. Il m'explique les dégâts.  Bref, à minuit ce jour là, je n'ai plus le droit de rouler avec. Sauf pour aller au garage avec. Mais selon lui, c'est inutile de faire des réparations dessus, ça coute trop cher et on trouve des voitures encore solides et fiables pour 1500 € et qui répondent mieux aux normes actuelles de sécurité et de pollution.

Une chance : la gendarmerie, dans ma ville, se trouve juste à côté du contrôle technique. Je vais donc déposer le compte-rendu à pieds, histoire d'être réglo avec eux ( pas comme mon oncle alcoolique... deux membres de la famille dans le viseur ça ferait beaucoup), Le gendarme qui me rend le papier après en avoir fait une photocopie se montre rassurant  devant mon désarroi en me disant que à 33 ans elle a bien vécu ma voiture et qu'en cas d'accident je risque hélas de le payer toute ma vie, alors il faut la changer. 

J'enchaîne avec la maison du département qui elle aussi se trouve sur le même axe. Quelle chance. Là, ils me proposent un rendez-vous dans un garage solidaire deux semaines plus tard, le confinement limitant les places disponibles, pour un diagnostic complet. J'en parle à mes parents. Mon père m'encourage à y aller, et m'y accompagnera vu que le garage se trouve près d'Orléans, juste à côté de l'hypermarché où travaillait ma mère jusqu'en 2002. Autrement dit, à 27 kilomètres. 

Mais là encore, ce jeudi 19 novembre, c'est la douche froide : le soir, le chef d'atelier juge ma voiture dangereuse et irréparable. Il me dit qu'avec le jeu qu'il y a  sur la crémaillère de direction, (50 cm!) à n'importe quel moment je risque l'accident. Autrement dit, si je tourne le volant à droite pour aller dans cette direction, la voiture peut très bien partir... à gauche! Imaginez l'accident!  Je repars sans voiture. Cependant, il a eu la présence d'esprit de me proposer un modèle : une Twingo pour 1100 €.  J'annonce à mon père que je ne peux pas repartir à cause de la dangerosité de ma voiture. Et aussi la proposition faite. Et comme je dois y retourner le lendemain pour les papiers étant donné que la secrétaire n'était pas là, je leur donnerai une première réponse. 

Je m'attendais à ce que ma mère râle. Mais...non. Elle accepte, tout de suite, l'idée de la Twingo. Lorsque j'y retourne le lendemain matin pour céder mon ancien véhicule, bonne surprise, le chef d'atelier me propose deux autres modèles. Le premier, c'est une Fiat 500 de 1999. Il me la fait essayer. Même prix que la Twingo. Reprises à hurler, cul en pot de yaourt, design dont même Jacob Delafon faisait mieux pour des cuvettes de WC, peu spacieuse et confort spartiate, sans compter les reprises à hurler à la lune. Jamais je n'aurais pris ce truc. 

Et enfin la surprise du chef : une Clio 2 vendue un peu plus cher, 1700 €, mais 115 000 kilomètres seulement. Je leur dis que je leur donnerai une réponse d'ici lundi, et que cela se fera surement entre la Twingo et la Clio 2. Lorsque je mentionne la dernière voiture à mon père à mon retour et le nombre de kilomètres, il n'hésite pas. Ma mère non plus. Ils font tapis et m'avancent 1500 € pour permettre l'achat de la voiture.

Je crois que je ne les mérite vraiment pas. Ils m'ont tellement aidé. Et je culpabilise toujours. 

Il n'empêche, je  donne ma décision l'après-midi même en laissant un message sur le répondeur du garage solidaire. Lorsque j'appelle le lundi pour le confirmer, le chef d'atelier me dit qu'effectivement ils avaient bien pris en compte mon message. On pourra venir la chercher le vendredi suivant. 

Du coup, je me suis retrouvé avec la Clio 2. Les papiers sont en cours, mais le véhicule est assuré et la voiture jusqu'ici roule très bien. Et quelle souplesse dans la conduite par rapport à ma Super 5 même si elle n'était pas la pire loin de là. 

J'avoue que le monde des voitures m'est pour moi totalement étranger Mais je dois remercier cette gendarme, qui m'a sans doute sauvé la vie en voulant simplement vérifier mon attestation au départ...

Ma Super 5 est morte, vive ma Clio 2.







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