Hypersensible

Il y a désormais une journée internationale de l'hypersensibilité. La première a eu lieu ce 13 janvier 2019.  Je vais vous raconter comment je vis la mienne.

Cette chose, le fait de ressentir les choses plus fort que les autres, ce sentiment d'être à fleur de peau, j’ai eu du mal à mettre un nom dessus. Ce qui a suscité pas mal d'incompréhension  chez certains. De fait, je suis souvent en décalage avec la société actuelle, du moins avec les codes sociaux établis.
L'hypersensibilité, ou plutôt le "haut potentiel émotionnel" est à double tranchant. Elle a ses avantages, mais aussi ses inconvénients. Et il faut occulter ces derniers le plus possible pour essayer d'en faire une force. Je ne vous cache pas que je n'y arrive pas toujours.

Commençons par les aspects négatifs:
Parfois, j’ai envie de tout envoyer valser, au point où même si quelqu'un me demanderait l'heure, je l'enverrais promener. Il est vrai aussi qu'il m'arrive de sur-réagir.  D'avoir l'impression de tout ressentir trop fort.  Mais de regretter aussi ensuite les choses et de me dire " je n'aurais pas dû réagir comme ça".

Ou après avoir eu une journée de merde,  ou de m'être senti comme telle, d'éclater en sanglots après que quelqu'un me demande si ça va très gentiment, parce que les émotions ressortent, et au lieu de me dire " enfin de la gentillesse".

Parfois je sature, et j'ai besoin de m'isoler. Pas parce que je n'aime pas les gens, même si les interactions sociales sont pour moi toujours un peu compliquées, juste un besoin de décompresser.  Dans tous les cas, ce n'est PAS de votre faute. Et ça ne dure qu'un moment.

Il m'arrive aussi de me sentir étouffé dans certains endroits, et j'ai un exemple vécu dont je me souviens bien :  c'était en 2017, je faisais un atelier théâtre. Nous n'avions pas lors de l'après-midi notre petit théâtre dans le charmant manoir restauré de cette ville de banlieue orléanaise.  C'était exceptionnel. Nous arrivons dans des salles municipales pas très loin, dans un sinistre bâtiment préfabriqué avec une moyenne d'âge  élevée, car il y avait des tournois de cartes dans les salles voisines. Je me suis senti très vite à l'étroit dans cette pièce pourtant grande. La cause ?  Les barreaux aux fenêtres et aux portes. On se serait cru en prison. J'ai heureusement pu compter sur la bienveillance des deux professeurs et des autres du groupe, dont je suis toujours ami avec l'immense majorité.
C'est absolument dingue, ce n'était rien pourtant... Mais ça suffit parfois au malaise. Peut-être qu’inconsciemment, j'estimais ne pas être dans les conditions idéales pour jouer ?

C'est vrai, ce n'est pas simple d'être à fleur de peau.  Parfois je peux me sentir blessé par une remarque anodine, ou un commentaire sarcastique même si j'ai appris à détecter l'ironie et le second degré.  Je ne compte évidemment pas là dedans les paroles faites pour blesser à dessein. Là ça peut vraiment m'atteindre.

Je suis un éternel indécis. Prendre une décision est pour moi une torture mentale. Parce que mon cerveau analyse directement les potentielles conséquences qu'elles POURRAIT avoir. De fait, ce qui découle parfois de ça est une crise d'angoisse, de savoir que quelque chose pourrait potentiellement se passer, notamment si cette "chose" peut être déplaisante. Ça s'est passé à Noel dernier et...j'avais raison.

Je me réveille avec des angoisses. C'est bête à dire mais je me pose des questions dès le réveil. Je doute souvent de moi, j’aimerais parfois vraiment arrêter de penser.

Je suis une éponge à sentiments. Je peux ressentir très fort la tristesse d'un proche, ou sa joie, par exemple.


Mais l'hypersensibilité a aussi ses bons côtés. Les sentiments "positifs", dans un sens.
Si j’aime quelque chose ou quelqu'un, j'aime vraiment. L'inverse est vrai aussi mais je préfère me concentrer sur le positif. Mais sachez que si vous êtes dans un de mes cercles d'amis, c'est que je vous aime bien. Même si nous ne sommes pas forcément d'accord sur tout. Mais si tel était le cas, on s'ennuierait je pense...

Ensuite, il parait que les hypersensibles sont souvent plus créatifs que la moyenne. C'est particulièrement vrai pour moi, je n'ai jamais ressenti autant le besoin de m'exprimer par divers moyens: ce nouveau blog, l'autre qui parle essentiellement nouvelles cultures. Mais j'écris aussi des histoires, dont une au long cours et que j'espère vraiment voir aboutir,  J'ai toujours plus ou moins dessiné, mais je me suis remis à vraiment créer des choses depuis peu. Je fais des essais, parfois ça rate ( je ne suis pas doué pour les visages et les bustes féminins), mais je ne me décourage pas. Et je compte expérimenter l'aquarelle.
J'adore aussi faire des photos et peut-être y a t-il un peu de ma sensibilité dans celles que je fais.
Je sais aussi que certains  HPE peuvent être multipotentiels.

J'apprécie également la bienveillance :  de la conseillère Pole-Emploi qui me dit  que ce n'est pas parce qu'on a pas d'activité rémunérée qu'on ne fait rien de sa vie" * ou d'un " très bon test" venu d'un de mes très estimés collègues ou d'un commentaire**,  j'avoue  ça fait du bien. Même si je ne sais pas le montrer forcément. A vrai dire, j'ai toujours eu du mal à accepter les compliments qu'on me fait.

Dans le même genre, j'accepte mieux la critique, pour peu qu'elle soit constructive.

Je suis ne suis pas méchant. Jamais je ne me comporterai comme un connard de façon gratuite, et l'hypersensibilité ne justifie en rien cela. On ne peut se réfugier derrière ça. Même si lorsque je réagis de façon violente à une provocation, ça arrive lorsque je suis agacé, ça surprend l'autre en face. Mais après c'est moi qu'on traite de méchant. C'est vrai j’aurais dû laisser faire et subir... désolé, je n'en ai plus envie. Alors pour adoucir, j'ai appris à détecter et à manier l'ironie.

Je commence à savoir gérer certaines choses. Je ne dis pas que tout est parfait mais désormais, je n'accepte plus d'être traité de sous-merde, de parasite, bref déshumanisé au prétexte de ma situation actuelle*, par exemple.

Si une situation dégénère et devient toxique, je m'en vais de l'endroit. Je n’ai aucune raison, absolument aucune, de rester dans un lieu où il y a une mauvais ambiance. Même si cela provoquera chez moi du ressentiment chez celui qui a provoqué ça, il sera toujours moins grand que si j'étais resté et qu'un enragé m'envoie une remarque ouvertement blessante en pleine face.

J'aime contempler les choses. Rêvasser sur un ciel de feu,  au bord d'une rivière, un paysage de neige et j'apprécie tout particulièrement de regarder l'océan quand j'y vais car dans le Loiret la mer est tout de même un peu loin. Ecouter la nature.  J’aime aussi admirer un monument. J’aime laisser vagabonder mes pensées. Parfois, cela aboutit à des idées pour mes histoires. Ne vous étonnez pas si vous me parlez et que j'ai l'air absent lorsque je regarde un paysage. Ça ne veut pas forcément dire que je n'écoute pas.

Après je dois toujours travailler certains points :
J'ai toujours un peu de mal avec le second degré. Même si je le décèle dans la plupart des cas, il suffit que mon interlocuteur y mette tellement du cœur que je peux prendre ça au sérieux. Mais j'y travaille.

Exprimer ce que je ressens. J'ai trop tendance à garder les choses pour moi. Or, il faut que je nomme les choses, notamment quand je suis blessé ou que ça ne va pas. Mais j'avoue, c'est parfois dur, il y a des choses qu'on peut difficilement dire à son entourage, et je me contente souvent d'un "ça va" ou "non, ce n'est rien".

Laisser plus parler mon intuition. Parfois je me bride, alors que je devrais laisser venir les idées comme elles me viennent.  Ne plus douter de certaines choses. Ça ne marche pas toujours, notamment en écriture, mais quand ça fonctionne c'est souvent beau.

Apprendre à relativiser les échecs et apprendre d'eux. Ne pas voir un ratage comme une catastrophe absolue. J'aurais aimé toutefois pendant ma scolarité entendre souvent " je compte sur toi pour faire mieux au prochain devoir", notamment de la part de mon entourage. J'ai du mal à me dire simplement " je n'étais pas fait pour ça" ou "dommage".

Ne pas répondre "Z" ou "A, B,C, donc D" ( j'ose espérer qu'il y a des fans du Burger Quiz), alors qu'on me demande de choisir entre deux réponses. Mais le côté positif c'est que je peux avoir un avis original par rapport à certaines questions.

M'ouvrir plus aux autres. Même si je me méfie de certaines personnes, j'apprends à voir qui est digne de ma confiance. Il faudrait aussi que je fasse plus de rencontres.

Ce que je sais :
L'hypersensibilité n'est ni une maladie, ni une tare.  Je veux en faire une force. Pour m'aider, je lis Hypersensibles : trop sensibles pour être heureux ? de Saverio Tomasella. Un livre très utile avec des cas concerts à l'intérieur.
Je sais aussi qu'elle fait partie de moi, mais ne doit en aucun cas servir à me définir. Je vaux plus que ça, je vaux mieux. L'hypersensibilité m'accompagne, et c'est tout.


Voilà pour cet article. Je termine en disant que ce qui est écrit ci-dessus ne saurait être une vérité générale et n'est que mon ressenti de l'hypersensibilité. La vôtre est surement différente, je pense qu'il y a autant de cas que de personnes hypersensibles. C'est sans doute ce qui fait que chacun est unique...

*Demandeur d'emploi et sensibilité élevée, tout un programme.

** Je suis rédacteur pour un site de jeux vidéo plus petit que les grands du web français mais qui a quand même sa communauté. J'ai la chance d'avoir une équipe et un rédacteur en chef bienveillants. 



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